Qui est-ce Khmers Surin?

Les Khmers Surin sont d’origine Khmer. Ils existent depuis le 1er siècle ap J.C, durant la période Le Fou-nan.
Ils parlent Khmer et vivent avec leur culture d’origine, malgré que leurs provinces appartiennent à la Thaïlande. Les jeunes Khmers Surin parlent de plus en plus le Thaïlandais…Cela entrainera probablement la disparition de la langue Khmère Surin.

Je remercie avec beaucoup de respect les Khmers Surin qui ont préservé l’héritage de la langue Khmère.

Petit résumé copié de chez K-set.info :

On les appelle les « Khmers Surin », du nom de la province où ils sont notamment établis, mais, pour nombre de Cambodgiens, ils sont en tout point semblables à leurs compatriotes thaïlandais dont ils partagent le nord-est du territoire. Pourtant, les Khmers vivant au nord de la chaîne des Dangrêk sont bel et bien issus de la culture khmère. Ils ont été séparés de la mère-patrie à la suite du recul du territoire khmer au profit du Siam voisin, et possèdent aujourd’hui la nationalité thaïlandaise. Entre eux et les Cambodgiens, la frontière n’est pas qu’un tracé sur les cartes. Elle est aussi dans les têtes.

« Ce sont des kramas siamois ! », s’exclame une couturière de Phnom Penh devant des tissus de Surin. Quand on l’informe qu’ils ont été tissés par des « Khmers Surin », elle persiste à faire l’amalgame : « Les Khmers Surin, ce sont des Siamois », marmonne-t-elle. Difficile de concevoir que de l’autre côté de la frontière thaïlandaise, ceux que l’on appelle « Khmers Surin », sont un même peuple, parlent la même langue… Pourtant, selon l’historien et ethnologue cambodgien Michel Tranet, cela ne fait aucun doute.

Une isolation d’abord géographique

Afin de comprendre l’histoire des peuples de la région, il préconise de faire abstraction de toute notion de frontière. Selon lui, la présence des Khmers dans les provinces de Surin, Buriram, Sa Keo, Ubon, Si Sa Ket, Trat et d’autres provinces [sur le territoire actuel de la Thaïlande] est attestée depuis la période du Funan et du Chenla, et même avant. « Ils ont préservé un certain archaïsme de la langue et de la culture khmères car, vivant sur les hauts-plateaux, ils étaient géographiquement isolés », explique Michel Tranet.

Une culture préservée bien que le Cambodge ait perdu la souveraineté sur ces territoires depuis les XVIe et XVIIe siècles (1). Aujourd’hui, les « Khmers Surin » basculent peu à peu vers la culture thaïe, en particulier les jeunes. D’autres Khmers de Thaïlande, notamment dans la province de Nakhon Ratchasima (Nokor Reach Seima en khmer), prise par les Siamois en 1374, se sont déjà fondus dans le peuple thaï. Actuellement, il ne reste plus comme vestiges de l’ère khmère que les temples, dont le plus célèbre est sans doute celui de Phimaï. La culture immatérielle khmère a quant à elle disparu, les Khmers de cette région ne parlant pratiquement plus leur langue d’origine. Un phénomène qui n’est pas unique à la Thaïlande : « En fin de compte, on peut considérer que cela se passe de la même manière pour les Phnongs du Cambodge », souligne Michel Tranet.

Une fissure d’ordre politique


Aujourd’hui, les contacts entre « Khmers Surin » et Cambodgiens demeurent limités. Les ouvriers cambodgiens passent surtout par la porte frontalière de Poïpet, bien plus au Sud, pour chercher du travail en Thaïlande. Quant aux touristes cambodgiens, ils sont bien rares à Surin. Or il y aurait de quoi les impressionner dans la région : des dizaines de temples khmers pré-angkoriens et angkoriens, ainsi que plusieurs Baray (réservoirs d’eau) à la superficie imposante. « Un jour, quelques Cambodgiens des camps de réfugiés de la frontière ont obtenu l’autorisation de se rendre à une conférence à Surin. Lorsqu’ils ont réalisé que nous parlions aussi khmer ici, ils étaient si émus qu’ils nous ont pris dans leurs bras », se souvient Thong Luang, un ancien du village de Phum Ponn, sis dans la province de Surin.

On aurait pourtant pu facilement concevoir que les « Khmers Surin » et les Cambodgiens aient maintenu des liens forts. Une frontière divise mais n’est pas forcément hermétique. Selon Thong Luang, la principale raison de la fissure est d’ordre politique. Il a beau répéter que « les paysans ne s’intéressent pas à la politique », à l’écouter, force est de constater que celle-ci a laissé des traces, notamment l’hostilité de Norodom Sihanouk envers la Thaïlande, précise-t-il.

A cela s’ajoutent de petits incidents et des idées reçues qui ont la vie dure, et ne favorisent pas un réchauffement des relations entre les deux camps. « Dès que je franchis la frontière, ne serait-ce que pour acheter du poisson, je me fais arnaquer alors que je parle khmer avec les vendeurs », se plaint Thong Luang. Quant à la jeune « Khmer Surin » Tim, elle ne sait peut-être pas très bien de quoi elle parle quand elle avoue ne pas vouloir se rendre au Cambodge « à cause des bombes ».

Chaimongkol, un fervent défenseur de la langue khmère à Surin, s’inquiète, lui, de l’état de corruption généralisée qui règne au Cambodge, tout en reconnaissant que la Thaïlande souffre également, « mais dans une moindre mesure », de ce fléau. « Pas besoin de mettre fin à la corruption à 100 % ! Une baisse de 20 % suffirait pour le moment. Et pourquoi ne pas créer dans l’année une Journée sans corruption, durant laquelle tout le monde s’engagerait à ne pas recevoir de pots-de-vin ? », suggère-t-il non sans ironie. Puis, sur un ton plus sérieux, il confie : « Si la corruption ne recule pas au Cambodge, je crois que l’on court à la catastrophe ».

Preab Sovath à Surin ?
Peu de relations, méconnaissance réciproque, préjugés… Si le Cambodge ne fait guère envie à la jeune Tim, c’est le regard empli d’émotion qu’elle prononce le mot « Angkor ». Thong Luang a, lui, déjà eu l’occasion de se rendre au Cambodge, chez les « Khmers d’en bas » comme il dit. Des photos immortalisent son couple posant religieusement ici devant le Palais royal de Phnom Penh, là devant Angkor Vat. En tournant les pages de son album photos, il murmure : « Vous savez, ce n’est pas comme faire un voyage à l’étranger. C’est un peu comme aller dans son propre pays car là-bas tout le monde parle khmer… »

« Miser sur les échanges culturels se révélerait une politique efficace de rapprochement avec les Khmers d’en bas », estime Thong Luang. Chaimongkol ne manque pas d’idées à ce sujet  : « Pourquoi ne pas inviter un joueur de chapey du Cambodge ou même Preab Sovath [star de la chanson populaire cambodgienne] à se produire dans notre village de Phum Ponn au prochain Nouvel an khmer ? » Le chef de la commune, Lum Leut – d’origine sino-laotienne mais parlant un peu khmer – confie qu’il n’y verrait pas d’inconvénient. « Seulement, la commune ne pourrait pas  financer l’événement seule », précise-t-il. Cette année, lors de la soirée du Nouvel an organisée par la commune, plusieurs chansons khmères de Surin se sont mêlées aux chansons thaïes.

L’artiste Preab Sovath, dont le répertoire comprend quelques chansons de style « kantreum », sait-il que cette musique des « Khmers Surin » est à l’origine une musique de possession ? « Il vaut mieux que les Cambodgiens ne le sachent pas, ils risqueraient de prendre peur et de ne plus écouter de kantreum ! » lance Chaimongkol dans un grand rire.

Les recherches s’arrêtent souvent à la frontière
Parmi les historiens cambodgiens, Michel Tranet fait figure d’exception. Il est le seul à s’intéresser de près aux « Khmers Surin ». « De nombreux Thaïlandais effectuent des recherches portant sur les Khmers du nord-est de la Thaïlande. Mais leur point de vue est biaisé car ils n’ont pas le choix. Les Thaïlandais étant un peuple de formation récente, leur discours est politisé et empreint de nationalisme », estime-t-il. Cependant, Michel Tranet ne croit pas que ses recherches ne fâchent les Thaïlandais. Il ne s’agit pas de revendiquer un territoire mais de les aider à mieux comprendre la formation de leur peuple.

Michel Tranet regrette le manque d’intérêt des Cambodgiens pour la recherche. Et quant à ceux, peu nombreux, qui s’y consacrent, il déplore que leur intérêt s’arrête souvent aux frontières ou se limite à la période angkorienne. Il préconise une approche apolitique, non cloisonnée, plus proche de la réalité historique, en étudiant au sens large la culture mon-khmère.

Mener des recherches sur la culture des « Khmers Surin » permet notamment de mieux connaître l’histoire du Chenla et l’évolution de la langue khmère, insiste-t-il. « Ne pas étudier l’histoire d’un peuple sur toute son étendue territoriale et se limiter à une seule époque, c’est l’estropier. La période angkorienne c’est seulement un arbre alors que la culture mon-khmère, c’est la forêt. Mes recherches ont pour objectif de préserver la mémoire collective d’un peuple ancien. C’est en sachant d’où l’on  vient que l’on peut retrouver son identité, sa fierté, son âme. » En tant qu’historien, il faut se placer au-dessus de la mêlée, des querelles politiques, pour contribuer à bâtir une culture de paix, conclut Michel Tranet.

(1) Histoire du Royaume du Cambodge, Alliance entre les populations khmère et thaïe à partir du XIIIe siècle, Michel Tranet, 2005  (en khmer)

Plantation de riz chez Khmer Surin (merci infiniment à l’auteur de ce vidéo) :

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